Le premier vol 4
Message du Professeur Zolmirel
Voici la suite de ce long message, qui a été coupé en deux pour en faciliter la lecture.
La première partie est consultable ici :
Erazel, qui était restée à bord du vaisseau, nous sourit largement et nous embrassa chacun.
- Bien, très bien, il faut que tous mes compagnons soient là, sains et saufs. Oui, cela est plus important que toute la glace du monde, cher petit cœur, dit-elle avec affection à l’attention de Nerti
- Tu n’es pas triste de ne point nous accompagner ? s’enquit Nerti avec étonnement
- Triste ? Oh ça non, je vois tout ce que vous voyez, je ressens absolument tout de vous ! Je vous accompagne en pensée, émit-elle avec vigueur
Zilner avait l’expression de quelqu’un qui vient de vivre avec succès une épreuve de courage. Il souriait largement.
- Tu n’as pas eu trop peur ? demanda Erazel d’un ton bienveillant
- Non, pas trop, parce vous étiez tous avec moi, je suis heureux d’y être arrivé, avoua t-il d’un ton tremblant
- Ce n’est qu’un début, lorsque l’on vit une telle aventure, on ne peut plus s’arrêter, émit la sage alien.
Elle se mit promptement aux commandes, chacun s’assied et la nef jaillit vers le ciel à une vitesse merveilleuse. Erazel émit quelques sifflements et l’ordinateur de vol répondit en une trille mélodieuse.
- Ils ne comprennent pas ce que nous sommes venus faire sur cette montagne. Les habitants... Ils pensent que nous avons eu une avarie. Nous ne serons pas poursuivis, expliqua-t-elle. Tout est pour le mieux.
Chacun se détendit alors. Nous nous sommes levés de nos sièges pour ranger nos combinaisons que nous avions entassées pêle-mêle, puis les avons mises à sécher.
Notre vaisseau entra en orbite autour de notre précédent astéroïde. Seulement, une surprise nous attendait, nous n’étions pas seuls !
Un vaste croiseur tout cuivré se fit jour derrière un sommet.
Une voix parla dans le communicateur, en langage commun.
- Veuillez vous identifier, voyageurs. Que faites-vous en ce quadrant ? demanda un être en un propos guindé.
Erazel effectua une projection, de même que nous tous. Elle se révéla positive. Nous n’avions pas affaire à des mercenaires, ou des pirates, mais à des ferrailleurs de l’espace à l’esprit noble.
- Nous sommes des explorateurs de mondes. Nous cherchons la vie, dit-elle simplement en une voix honnête
- Fort bien, répondit l’être d’un ton plus cordial. Cela est accepté, nous sommes étonnés en vérité de surprendre un navire si petit. Souhaitez-vous converser ?
- Bien sûr que oui, nous sommes toujours ravis de converser, assura Erazel. Avez-vous trouvé ce que vous cherchiez ?
- Oui, mais non sans difficultés. Je me nomme Sator, émit l’être d’un ton solennel
- Et vous êtes un grand alien, répondit Erazel en riant
- Comment le savez-vous ? s’étonna la voix méfiante
- Je reconnais la voix des aliens Denakhs. Nous avons beaucoup d’amis. Nous sommes des Galmols, expliqua Erazel. Je sens à votre voix que vous avez besoin d’aide et que vous êtes attristé…
Il y eut un long silence.
L’alien parla de nouveau.
- Oui, il en est bien ainsi. Nous percevons bien de l’amitié en vous voyageurs. Votre prescience vous honore. Est-il en votre vaisseau un soigneur habile ? Nous ferons en échange tout ce que vous demanderez. Deux de nos compagnons sont au stade critique.
- Dites-lui que nous arrivons immédiatement, émit Dorian après avoir consulté Amoni du regard
Et il en fut ainsi. Dorian saisit la main de mon ami et ils disparurent en peu de temps. Nous étions hypnotisés par un tel prodige.
Nous percevions par la pensée tout ce qui se passait de leur côté.
Ils se posèrent dans un immense hall au plafond de plus de 80 mètres de haut encombré d’épaves. De nombreuses équipes d’aliens découpaient des tôles, restauraient des parements et soudaient des composants neufs. Une trentaine d’épaves en tout étaient visibles. De l’autre côté, des fours en activité dégageaient une chaleur douillette et un éclat doré. D’autres équipes d’aliens et de lézards athlétiques moulaient de nouvelles pièces de métal adaptées aux réparations.
Une haute silhouette mince vêtue d’un manteau bordeaux parut devant nous. Il s’agissait du capitaine de ce vaisseau, l’alien était immensément âgé. Saisi de crainte par cette apparition subite, il s’inclina avec respect aussi bas que ses douleurs le lui permettaient. Nos deux amis ont fait de même.
- Soyez remerciés d’avoir eu le courage de nous visiter. Je suis saisi de pareil prodige, comment donc agissez-vous de la sorte ? s’enquit la créature
- Cela est un usage courant pour notre peuple, je suis Dorian, et voici mon ami Amoni, un expert en soins urgents, fit notre ami si lumineux
L’alien parut abasourdi mais dut bien en convenir ainsi. Les questions attendraient.
- Suivez-moi, dit-il, en courant assez lestement pour son âge
Amoni et Dorian enfilèrent plusieurs couloirs anciens et mal éclairés. Ils étaient admiratifs de ce vaisseau millénaire d’âge certain. Des problèmes de corrosion étaient visibles en certains lieux, ainsi que des réparations hâtives. Ces êtres avaient peu de moyens. Tout cela était bien sûr inacceptable.
Ils sont entrés en une vaste salle verte, mieux éclairée, où des petits biologistes tournaient autour de deux lits. Un alien était étendu et son bras était affreusement gelé.
- Il a eu un trou dans son scaphandre, émit le capitaine. Il est comme mon frère…
Dorian s’avança d’un pas assuré et tous les êtres présents dans la salle reculèrent vers les murs, car ils n’avaient jamais vu autant de brillance chez un être vivant. Le sage Amoni installa une lampe à cristal régénérant au dessus du blessé. Comme il n’y avait pas de suspension, il se débrouilla avec un tuyau qui passait par là. La respiration de l’alien se stabilisa et son fluide énergétique s’apaisa.
Il se tourna ensuite vers le second blessé. Une éventration…
Amoni sortit sa trousse de soins et examina la plaie très impressionnante. Il ne possédait que peu de moyens pour le stabiliser, l’être avait perdu beaucoup de fluides et la zone avait gelé. En vérité, il était mourant.
Mais Dorian prit la main de l’alien et laissa agir son fluide. Il fit un signe affirmatif de la tête au sage Amoni. Ils conversèrent par la pensée pour ne point troubler l’équipage.
- On peut y arriver, il reste encore assez de vie chez cet être. Occupez-vous de l’extérieur de la plaie et refermez-la sans vous poser de questions. Je vais tenter de reconstituer son intérieur, fit Dorian
Amoni se mit aussitôt au travail, agissant aussi vite que faire se peut. Mais ce n’était point facile, la peau de la créature avait durci, de même que ses organes. Le sage Amoni nettoya la plaie du mieux qu’il pouvait, retirant tous les débris. Il étala un gel régénérant sur les organes détruits d’un air dubitatif. Ensuite, faisant confiance à Dorian, il referma la plaie à l’aide d’une colle épidermique composée de résine. Il lissa la peau de l’être de sorte que la plaie soit presque invisible.
Dorian qui tenait les mains du blessé s’était maintenant approché de sa tête. Il saisit son cou, se concentrant sur le faible système vital de la créature. Il restait une mince circulation énergétique. Le cou était la seule partie du corps vulnérable pour ce type d’alien, en théorie, car le malheureux avait été exposé au froid. L’être reprit un peu de couleurs. Amoni fit un bandage et étendit une couverture chauffante sur le blessé. Ensuite, il plaça une lampe au dessus de lui, rose cette fois, car celle du premier blessé était dorée.
Dorian continuait ses soins en massant la nuque de l’alien, il saisit son bras gauche et sa main. Amoni, stupéfait, décela une faible circulation qui reprenait vie. Il s’écarta et récita une prière.
Tous les autres êtres présents dans la salle l’imitèrent.
Dorian fit une chose étonnante, il souleva le blessé et le fit asseoir, puis il promena ses mains de lumière sur sa colonne vertébrale. Les mains de l’alien bougèrent. Chacun des observateurs émit des murmures admiratifs. Ensuite, ses jambes se mirent à trembler. Il le reposa avec précautions et rabattit ses mains sur son corps, puis, il saisit ses deux mains dans les siennes en caressant leur paume. Une lumière intense se dégagea. L’alien gémit.
Chacun retenait son souffle face à ces soins extraordinaires. Dorian émit ensuite de la lumière sur son visage, l’être l’inhala par son souffle et l’éclat persista sous la couverture. Il s’éteignit au bout d’environ une minute.
Notre ami exceptionnel s’écarta du blessé avec un sourire. Aussitôt un petit biologiste nerveux s’approcha et consulta des écrans.
- La blessée vivra, dit-il en s’épongeant les yeux. Le deuxième va bien.
Chacun émit des longs cris de joie, parmi les larmes. Les aliens, et notamment le capitaine distant félicitèrent nos deux amis en les étreignant.
- Merci, merci… Combien nous vous sommes infiniment reconnaissants. Nous sommes très attachés à chaque membre de ce vaisseau. Permettez que nous fassions quelque chose pour vous…émit l’alien avec bonté
- C’est en vérité votre amour à tous, votre dévotion qui a permis que ces deux êtres vivent, expliqua Dorian.
- Nous avons prié la grande Énergie cosmique de les laisser vivre, car la jeune dame a une famille importante et mon frère nous est très cher également, répondit l’alien vénérable. Il y a eu un accident lors d’une manœuvre d’extraction d’épave. Ils ont été percutés par des débris qui se sont détachés. Vous êtes nos invités.
Le soir venu, notre nef était posée dans le grand hall métallique du croiseur cuivré. Nous étions attablés en compagnie de nos hôtes, ravis de leur conter certaines de nos aventures.
Erazel était là elle aussi. Euphorique à l’idée de sentir autant de bienveillance chez ces êtres courageux, elle agit discrètement sur diverses poutrelles rouillées et tordues de l’immense vaisseau. La corrosion en cet endroit pouvait être bien dangereuse.
Les aliens, emplis de gratitude, nous avaient préparé les mets les plus succulents.
- Voici une matrice d’énergie-mère, expliqua Dorian en montrant un cliché de croiseur sur un écran. L’énergie-lumière est placée dans le vaisseau en un point précis proche de la chaufferie et elle va progressivement s’étendre à toute la structure pour la rénover, la régénérer.
- Que voilà une invention bien utile, nous avons certes bien besoin de rénovation ! Ce bâtiment s’émiette chaque jour ! émit le capitaine. Il ne devrait même plus voler…Notre vaisseau date d’environ 8 millions d’années, à l’époque des premiers navigants stellaires en cette région. La structure en cuivre amélioré a bien résisté, mais l’acier inoxydable utilisé par les anciens ne comportait pas de matrice de silicium. Il se désagrège, et nous avons du remplacer un nombre infini de composants, des rails, des poutres, et tout ce qui s’ensuit !
Dorian tendit une petite pyramide au grand alien.
Celui-ci la fixa avec surprise et peu après le repas, chacun le suivit.
Il posa la pyramide sur le sol près de la chaufferie, comme Dorian le lui indiquait. Le sol en métal terni devint aussitôt doré comme de l’or liquide, et cet éclat se répandit en de fins sillons aux murs du vaisseau. Dorian reprit l’objet mystérieux.
Chacun récita des bénédictions et des remerciements fébriles pour cette grâce. Une petite section du couloir avait maintenant l’allure d’une paroi neuve, extraordinairement belle.
- Comment vous remercier ? s’enquit le capitaine
- En faisant de même sur tous ces vaisseaux, bien sûr, émit Dorian avec un grand rire en fixant les épaves ternies et en offrant ce don à toutes vos connaissances… Sitôt que votre vaisseau sera devenu lumière, il sera autogène, entièrement. Plus besoin alors de travailler si durement pour tous les vôtres. Il en sera de même pour chaque bâtiment peuplé d’êtres au cœur pur qui visitera votre esquif.
- Comment transmuter les épaves, puisque vous avez repris cette pyramide ? s’étonna l’alien
- Votre intention y suffira, émit simplement Dorian
- Voici une grâce infinie… répondit le sage être, complètement stupéfait
- Sur mon monde, tous les êtres sont libres et bénéficient de l’Abondance. Vous le méritez bien, exposa t-il avec bonté
Amoni et Dorian, nous tous, avons salué nos amis. Nous sommes remontés à bord de notre nef, et avons filé dans l’espace. Le beau croiseur cuivré alluma tous ses projecteurs pour nous saluer joyeusement. Il y eut de beaux éclats colorés. Les aliens étaient tous rivés aux fenêtres, emplis de bonheur, ils nous faisaient des signes agréables.
Les enfants ne pouvaient détacher leurs yeux de cette scène. Ils tombaient littéralement de sommeil, car cette journée avait été très riche. Amoni les borda avec un mot pour chacun d’eux.
Nous nous sommes retrouvés pour faire le point sur notre mission à venir.
Dorian me sourit pendant qu’Erazel parlait, il me montra par l’esprit la belle caverne de glace emplie de vie inverse. Chacun la vit et en bégaya de joie.
Les êtres de Lumière avaient réussi à remédier à cette situation. Pour nous, ils avaient élaboré une magnifique vidéo. Orel la projeta sur un mur et nous nous sommes félicités d’avoir des amis aussi habiles, aussi experts dans ce domaine délicat qu’est la conversion de formes de vie invasives en êtres purs.
Sur la vidéo, les êtres de Lumière s’avançaient en flottant au dessus du sol. Leur éclat inondait la grotte sépulcrale de clarté. Ils y entrèrent et firent fuir nombre d’animaux visqueux, en forme de crustacés géants, ou de plantes aux allures meurtrières couvertes d’épines. Il existait aussi des formes de vie proches de la chauve souris, mais de type reptilien. Ces créatures tentèrent bien de les attaquer au départ, mais elles se replièrent et retombèrent au sol, inertes. Nos amis éclairaient de plus en plus fort les alentours, jusqu’à cet éclat blanc aveuglant. Les parois de la grotte couvertes d’algues poisseuses peu engageantes se muèrent en soieries fines de toutes les couleurs, les étranges chauves souris prirent des couleurs bleues admirables et les formes de vie végétales agressives devinrent une sorte de corail saumon que nous n’avions jamais vu. Une eau claire se mit à couler dans le fond de la grotte, protégée de la glace grâce au volcanisme.
Les parois de la grotte se couvrirent de minuscules cristaux blanc laiteux phosphorescents, même l’air de ce lieu était empli d’animalcules dorés qui flottaient avec douceur.
Nous étions confondus d’une telle transformation. Ce lieu ressemblait maintenant à un petit paradis. Nous étions d’accord sur le fait de montrer cette séquence aux enfants dès le lendemain.
Grâce à Orel et Dorian, notre nef replongea avec aisance dans le supra, nous épargnant les malaises ordinaires et n’affectant même pas les enfants endormis. Nous étions immensément heureux, certains que les aventures à venir seraient encore plus exaltantes. Nous nous sentions portés vers le haut par la présence infiniment harmonieuse de nos amis si dévoués, si prompts à nous aider.
Je vous remercie chers amis de la Terre d’avoir lu ce long message. Je vous salue maintenant et vous dis à bientôt pour d’autres aventures !
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