Les civilisations stellaires libres (7/10)
Un autre message du professeur Zolmirel
J’en étais resté à cet instant joyeux, où, sur mon monde, nous avions exhumé des palais nombreux dans la jungle.
Nous avions pu prendre attache avec les êtres présents à l’intérieur des vaisseaux lumière qui nous survolaient depuis des mois. C’est là que j’ai fait la connaissance de Dorian et Orel, et aussi que nous sommes devenus bons amis.
Il y avait une énergie, une fascination réciproque entre Dorian et moi-même.
A cette époque j’étais un botaniste fort curieux, mais déjà assez âgé, et ma soif d’exploration dans l’espace demeurait très vive. La vieillesse des nôtres est bien différente de celle qui frappe les êtres en votre contrée. Comme les plantes, nous nous éteignons en quelques jours seulement. Notre durée de vie est très variable. Notre vie peut être prolongée par des évènements.
Ma tâche n’était cependant pas achevée, et mon âme, elle, brillait dans mon regard, ma vie ranimée par cette rencontre hautement improbable avec les Êtres de Lumière.
Je marchais dans la jungle en un matin comme parmi tant d’autres, pour y retrouver mon grand père, le sage Oralecto que j’aimais beaucoup.
Mon grand-père en ce matin parut, il aidait à soigner les animaux présents dans la jungle, et parmi eux les plus féroces. Ces derniers venaient à lui pour être guéris, cela était toujours un spectacle qui m’impressionnait et m’effrayait un peu.
- Approche, mais reste à distance, m’a dit mon grand père assis, occupé à retirer une simple épine de la patte d’un très gros chat sauvage blessé. Notre ami est méfiant.
Je m’assieds sur une racine et mangeais quelques biscuits, tout prêt à monter à l’arbre si le besoin s’en faisait sentir. J’en profitais pour admirer le pelage orangé tacheté de cette variété de chat, assez difficile à voir par chez nous. L’animal avait l’allure élancée d’un guépard, en un peu plus trapu, avec la taille d’un jeune tigre.
Il poussait de temps à autres des feulements sous la douleur, ce qui ne perturbait aucunement mon ancêtre. Oralecto retira l’épine avec prévenance et étala une lotion apaisante sur la meurtrissure. Le chat sauvage reconnaissant vint se frotter à lui, le sage le caressa et l’animal bondit pour disparaître. J’étais tout admiratif.
- Que voilà un animal immense ! m’extasiais-je. Tu t’es fait un nouvel ami !
- Un ami qui vient de temps en temps. Je puis en dire autant pour toi, ton ami est très grand !
- Comment le sais-tu donc ? demandais-je à mon aïeul
- Je le vois simplement, et je vois ta joie rejaillir par tes yeux. Cela est très bien, tu es promis à de grands voyages.
- Mon ami est un homme éthéré de l’espace, il fait partie de la grande flotte de navires lumineux, son rôle est d’aider les aliens libres comme nous, qui se sont défaits de l’impérialisme et de la pensée unique. Il dit que nous sommes une exception dans ce quadrant, que beaucoup trop d’aliens sont gouvernés par des régimes totalitaires et suivent des sortes de castes. Nous avons suivi un autre chemin.
- Cela est bien certain, confirma mon grand-père. Les pionniers étaient des dissidents, ils ont choisi de fuir, plutôt que d’obéir à des élans qui brimaient toute créativité de la science, tout respect de la vie, de la haute énergie. Mon petit Zolmirel, tu sais bien à présent que le fondement de la vie est extérieur à celle-ci. De même que le fondement de notre pensée est invisible et immuable, nous ne mourrons pas vraiment. Notre âme emprunte différents rivages, puis choisit de revenir ou pas, lorsqu’un ancien décède. Il en est de même pour nos amis les arbres, les animaux, eux, ne font qu’un dans un même peuple. Chaque feuille qu’ils constituent dans la trame de la vie se perfectionne, se transforme au fil des saisons, des siècles, enrichie d’une mémoire infiniment grande. Nos anciens ont interrogé la mémoire des arbres millénaires et maintenant, je vais devenir l’un des leurs, j’ai eu cet honneur de parler au grand arbre. Il sait tout de l’avancée de notre monde, des errances de nos ancêtres dans l’espace, guidés par des présences subtiles. Ils savent aussi notre alliance première avec les habitants des Pléiades. Maintenant que nous avons franchi le pas pour converser joyeusement, pour nous unir avec les Ilstirr et nos amis, les Kolals, il est bien normal que les Êtres de Lumière le sentent, le sachent et reviennent. C’est un très beau jour qu’aujourd’hui, un très beau moment que celui de renouer avec nos frères de l’espace.
Nous étions assis sur les racines d’un très vaste arbre fort âgé, de plusieurs siècles, et un rai de soleil tomba tout soudain à nos pieds.
- La puissance des arbres donne son assentiment. Eux aussi aspirent à entrer dans la phase d’existence suivante, à être transmués, éthérisés, pour habiter le plan dimensionnel suivant, poursuivit mon immense ancêtre
Muet d’émotion, frappé par cette révélation de l’omniscience de la forêt, de tout un monde qui attendait et non seulement nous, créatures mouvantes, je fus silencieux un long instant.
Je sortis de la forêt y laissant mon grand-père qui avait encore bien des choses à récolter ce matin là.
Je me dirigeais vers une clairière où Nerti et Zilner gambadaient sous la surveillance de mon ami, le sage Amoni. Les jeunes aliens avaient récolté des champignons tous frais et le sage s’en montrait ravi. Je l’ai dit déjà, pour nous, les champignons sont une sorte d’obsession, une passion intense, car nous les cuisinons beaucoup. En plus de cela, nous sentons le lien qu’ils entretiennent avec la terre profonde et cela nous laisse ravis et heureux.
Amoni me montra son panier garni de beaux champignons blancs en pleine santé. Il en était tout fier et moi bien sûr, aussi content que lui. Les enfants avaient pris soin de laisser les sujets les plus âgés ou les plus jeunes, pour que ceux-ci puissent se multiplier à nouveau au pied des arbres.
Mais les facéties de mes petits compagnons ne purent me tirer de ma songerie. Je les quittais bientôt et m’enfonçais plus avant dans la forêt. Là, je trouvais un tronc d’arbre parfait pour y méditer. Le calme de la forêt m’apaisa en peu de temps et je me trouvais bientôt pleinement confiant. Même si j’étais âgé, je ne devais pas craindre le voyage spatial, même si les soubresauts avaient risqué plusieurs fois de m’affecter.
J’avais en cette époque là, écrit plusieurs livres de botanique et mes travaux commençaient à être connus. Je tombais dans une méditation heureuse, attentif à moitié aux bruissements de la forêt. Je fermais les yeux et un long moment passa.
Je m’éveillais un peu plus tard, le jour diminuait et les fauves commençaient à sortir de leurs tanières. J’étais, en cet instant, donc, devenu une proie potentielle. Je m’empressais avec calme cependant, de revenir vers la clairière. Un très gros chat affamé passa dans les buissons en un pas tranquille. Je fis refluer tout soupçon de panique et renonçais à courir, ce qui aurait été une grande erreur.
L’animal, étonné, vint se poster face à moi et je le fixais intensément, captant la pensée de son regard vert brillant. Le chat parla alors.
- Qui es tu ? demanda t’il, surpris. Tu es bien petit et te trouver en ces bois est une erreur !
- Je suis un savant qui étudie les plantes, répliquais-je. Les nôtres sont assez indigestes, dois-je le préciser.
- Tu ne manques pas d’esprit pour un savant. Ces forêts sont miennes, répondit le félin avec quelque courroux
- Que voilà une pensée surprenante. Tout le monde a le droit d’aimer venir se promener en forêt à la nuit tombée. Nous soignons aussi des fauves blessés, expliquais-je
- Très bien, dit le chat. Cela est exact. Ta pensée me perturbe, dit-il en se couchant. Voilà qui me procure des vertiges ! Pourquoi agis-tu ainsi ?
- Il le faut bien, pour les êtres de mon espèce, qui sont inoffensifs. Si les fauves mangeaient des plantes, il ne serait pas nécessaire d’agir de la sorte, exposais-je le plus paisiblement possible
- Nous mangeons très peu de plantes, répondit l’animal à demi-paralysé. Nous ne parvenons pas à les métaboliser convenablement. Retires-toi à présent, ton fluide est insoutenable, petit être.
- Cela peut changer, dis-je en m’éclipsant
Je sortis de la forêt profonde et marchais avec célérité vers un lieu plus serein, totalement dépourvu d’animaux menaçants. Il en était ainsi car la vibration intérieure des nôtres dérangeait beaucoup les animaux carnivores dangereux.
Je m’assieds sur un banc pour reprendre mes esprits. Cette rencontre avec un animal âgé n’avait pas été si désagréable. Peut-être les fauves allaient-ils se montrer plus ouverts ? Les anciens avaient réussi à en approcher certains avec succès.
Une pensée familière vint soudain effleurer la mienne, alors que la jungle embaumée se couvrait de nuit. Je bondis de joie.
Mon corps fut aspiré vers le haut comme les jours précédents. Je me retrouvais en peu de temps sous un vaste vaisseau-lumière, une merveille de cristal vivant.
Cette fois, Dorian tout heureux, vint m’accueillir. Nous nous trouvions en un très vaste couloir de métal cristallin bleu vif. L’endroit émanait une énergie immensément bénéfique. Il n’y avait pas d’ombre, tous les parements étaient éclairés.
J’étais très petit à côté de mon grand ami. Dorian s’agenouilla et serra mes deux mains, ses yeux luisaient de joie. Il m’invita à le suivre en un autre couloir révélant des étages vertigineux, juste au dessous de notre position. Nous sommes descendus par un escalier étroit, entourés de machines enchanteresses, notamment de tuyaux géants, qui me plongèrent dans une heureuse fascination.
- Ce sont les lieux de retraitement de toute l’eau du navire, exposa Dorian par la pensée
Il me mena encore plus avant et cette fois, un lieu plus clair, comme éclairé par la lueur du jour se dessina, donnant sur une vaste serre garnie de plantations. Des Êtres de Lumière conversaient, se promenaient ou peignaient, il y avait également des musiciens.
- Notre vaisseau compte beaucoup d’artistes, expliqua Dorian. Il en est ainsi pour maintenir une ambiance de vol allègre, cela est nécessaire au maintien de facteurs lumière sur le long terme. Vous utilisez des facteurs-lumière, nous sommes même parvenus à utiliser des puissances de lumière pour voyager.
- Je me demande comment vous pouvez obtenir une telle décorrélation, demandais-je
- Cela est tout simple, le fait de s’élever à des fréquences vibratoires supérieures, induit des décrochages spatiotemporels. Nous sommes instantanément transportés d’un point à un autre de l’espace.
Dorian me mena à un petit salon. Dans la pièce voisine, on voyait des équipes d’astronomes heureux d’observer l’arche galactique, bien visible en cette heure.
Il me versa une boisson délicieuse et m’offrit de petits cakes d’un goût inconnu pour moi et ô combien exquis. Je n’avais jamais goûté une telle cuisine.
- Je les ai faits moi-même, je suis ravi qu’ils vous plaisent. En vérité, si je vous ai fait venir, c’est parce que nous recherchons un botaniste, exposa Dorian avec bonté. J’aime beaucoup vos différents traités sur les plantes, tout y est exposé de manière claire et limpide, vous relatez avec brio vos différents voyages sur des mondes d’outre espace. De plus, avec la technologie électro-gravifique que vous possédez, il est bien courageux de vous aventurer ainsi sur des routes spatiales.
- Nos vaisseaux sont semi-cristallins, exposais-je à mon ami.
- En effet, il en est ainsi, assura Dorian. Le fait qu’ils soient transmutés en lumière les rendra bien plus rapides et sécurisants. Votre technologie a atteint son plein potentiel, ses limites, pourrais-je dire. La pâte de cristal-lumière est un matériau qui ne connaît pas d’usure. Nos vaisseaux se régénèrent d’eux-mêmes. Nous avons effectué de très nombreux voyages dans ce quadrant. Je voudrais vous montrer une planète.
Je compris que Dorian voulait avoir une liaison télépathique avec mon esprit, j’en étais tout abasourdi et j’acceptais avec plaisir. Je fermais les yeux. Nos coudes se touchaient.
Aussitôt une énergie puissante m’investit, je sentis le fluide intense de l’homme de lumière. Je fus bouleversé, une vague d’amour pur, gigantesque, m’électrisa entièrement. Mon esprit déstabilisé tinta et vacilla. Dorian s’excusa vivement, il ajusta son fluide.
La vision se stabilisa, et je retrouvais un peu mes esprits. L’image d’une forêt sereine de mon monde au crépuscule vint. Puis elle s’effaça et je vis la pensée active de Dorian.
Le grand croiseur de lumière filait dans les soubresauts de l’espace. Une succession d’étoiles furtives défilaient sur les vitrages. Puis, des navires militaires furent visibles. Ils étaient au nombre d’au moins quatre et hérissés d’armes, près d’un petit groupement stellaire. Les occupants de ces vaisseaux éprouvaient, pour une raison inconnue une très grande joie, leur puissance de feu n’avait apparemment pas d’équivalent possible, ils se sentaient invulnérables. Le vaisseau-lumière était cependant indétectable pour leurs instruments primaires. Les quatre vaisseaux sinistres s’en furent.
Le navire de lumière se matérialisa lentement. Sous une étoile hésitante, une belle émergeait de la nuit.
Dorian et d’autres êtres descendirent sur le petit monde meurtri. Le ciel était jaune d’or, le sol n’était qu’obsidienne, par endroits des coulées de laves intermittentes jaillissaient. On ne voyait nulle plante, nul brin d’herbe.
Il n’y avait rien que de la roche à perte de vue. Les vaisseaux militaires avaient tout détruit de ce monde. Les Êtres de Lumière, cependant n’étaient pas tristes. Ils percevaient nettement les âmes des disparus, les amenant sur des hauts plans de guérison.
Certaines âmes étaient désireuses de revenir, de recréer ce monde. Lorsqu’un monde avait été détruit de la sorte, il était souvent réédifié sur la dimension suivante, expliqua Dorian.
Cependant, la planète avait été trop affaiblie pour pouvoir s’élever sur le plan vibratoire suivant. Les Êtres de Lumière remontèrent en leurs vaisseaux. D’autres vaisseaux vinrent, spécialisés dans la guérison des planètes endommagées. Ils déversèrent une sorte de pluie de lumière vivante sur l’astre. Plusieurs volcans entrèrent en éruption, achevant de balayer les quelques débris de pierre présents encore à la surface. Puis, la lave sécha, des pluies éparses eurent lieu, mais l’atmosphère avait été elle aussi, très endommagée. La scène eut lieu en accéléré, des légions et des légions de vaisseaux se succédèrent. Enfin, l’atmosphère jaune intense se reconstitua.
La vision prit fin. J’aimais déjà cette planète.
- Pourquoi ce monde a t-il été détruit ? demandais-je tristement à Dorian
- Des guerres, encore des guerres…
- Ainsi, vous souhaitez le recréer. Mais si les êtres obscurs reviennent ?
- Nous allons édifier une civilisation de lumière, apte à protéger ce lieu. Nous avons besoin pour commencer d’y placer des plantes pionnières. Vous y aiderez-nous ?
- Avec grande joie. Le sol est basaltique, il faudra peut être y creuser par endroits pour que les racines prennent pied. Ce lieu a besoin d’humus, il est surtout minéral. Il serait souhaitable d’y implanter en premier une vie biominérale, apte à décomposer le sol, à le transformer en argile, ou mieux, en terreau.
- Je vois mon ami, que vous avez fort bien réfléchi à tout cela.
- Ce monde présente t-il un danger d’ionisation particulier ?
- Tout le rayonnement dangereux pour la vie a été ôté. Nous allons agir de concert avec les Grands Êtres qui surveillent activement cette planète. Ils resteront, le temps que la transformation soit effective.
- Pourquoi cette planète et pas une autre ?
- L’épreuve qu’elle a traversée récemment avec succès, la rend apte à un peuplement particulièrement harmonieux et serein, d’êtres de haute pensée.
Je souriais à mon nouvel ami. Que de mondes allions-nous pouvoir peupler de formes florales nouvelles, avec la formidable puissance du vaisseau-lumière !
Orel entra dans la pièce à cet instant, il percevait en un éclair toute notre joie. Il prit mes mains dans les siennes avec chaleur et j’en fus tout heureux. A présent, nous étions unis sur le même chemin, celui de répandre la vie loin, très loin de notre monde natal. Nous avions pour ce faire les plus formidables alliés qui soient,
J’ai été plus qu’heureux de délivrer ce message,
Le professeur Zolmirel,
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